Théorie

Étudions la transe hypnotique à travers ses caractéristiques :

  1. absence d'une phénoménologie observable fixe,.
  2. importance de la dimension subjective de l'expérience.
  3. passage d'une réalité à une autre, avec congruence du comportement avec le milieu ambiant et état prolongé au-delà de l'arrêt de l'induction.
  4. logique de transe, abrogeant les contradictions et les paradoxes.

Quelles théories avancer sur de telles bases ?

Le groupe le plus célèbre, désigné par commodité par "l'école de Palo Alto" , a été fortement marqué par l'anthropologue Gregory Bateson. D'autres rejoignirent cette ligne de pensée, comme les sociologues Edward T.Hall avec le concept de proxémie et Erving Goffman avec le système des cadres.

Cette école accepte notamment l'idée d'un schéma circulaire, où l'émetteur réajuste constamment son message à la réaction du destinataire, ainsi que la notion de double lien, technique de communication paradoxale placant l'hypnotisé devant un choix illusoire.

Emerge également la notion de cerveau droit, imagé, métaphorique, émotionnel, strictement positif et celle de cerveau gauche, logique, précis, scientifique, sachant utiliser la négation.

Puis, à travers Watzlawick apparait la notion de réalité de premier et de deuxième ordre, et le constructivisme. Dans ce système, le cadre hypnotique devient un cadre construit à partir du cadre primaire (ou réel), l'induction permettant d'effectuer cette transformation, soit en détruisant le cadre primaire, soit en construisant un cadre hypnotique.

La destruction du cadre primaire amènant le sujet à abandonner les significations de ses comportements pour les recadrer dans le cadre hypnotique. Les inductions par focalisation visuelle, imagerie mentale, recentrage, attente positive, ennui, confusion, surprise, leading … fonctionnent ainsi.

Lorsque le patient à une certaine expérience de la transe, le thérapeute peut amener son patient à construire ce cadre par des "rituels de transe", ce que E. Goffman appellerait peut-être des conventions de phasages : signaux qui indiquent l'ouverture d'une parenthèse.

Cette approche permet d'expliquer la dissociation, souvent vécue par les patients : la coexistence du cadre primaire et du cadre hypnotique suffit à générer cette sensation de dualité.

Au fil de la séance, cette sensation disparaît car le cadre primaire, non sollicité, passe au second plan, est "oublié" au profit du cadre hypnotique qui devient le seul cadre agissant.

Le réveil passe par le processus inverse : destruction du cadre hypnotique et reconstruction du cadre primaire.

Selon ce système des cadres, l'école de Palo Alto développe ainsi la théorie selon laquelle l'hypnose agit, non pas en modifiant le symptôme, mais en changeant le cadre de réference dans lequel s'inscrit ce même symptôme (l'éternelle histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein).

Sur un autre plan, les études les plus récentes sur l'hypno-analgésie suggèrent que ses effets viennent de son pouvoir de distorsion perceptive. Cette distorsion semblant provenir directement de mécanismes biophysiques variés et complémentaires.

Sans entrer dans une description par trop précise des mécanismes étudiés à ce jour, que les passionnés de neurophysiologie retrouveront facilement. On peut dire que l’hypno-analgésie produit des modifications biochimiques  impliquant la bêta endorphine et la norépinéphrine, sans être pour autant  antagonisables par la naloxone. Cette particularité semble s’expliquer par le fait qu’elle modifie d’autres mécanismes actifs dans la douleur. Elle modifie notamment la réponse à certains processus inflammatoires cutanés. Elle modifie également certains potentiels évoqués ainsi que le réflexe de flexion nociceptif du nerf sural.

Sur un autre plan ancore, les études les plus récentes, reposant sur l’imagerie cérébrale de pointe de type PET SCAN permettent de commencer à comprendre ce qui se passe dans le cerveau pendant une séance d’hypnose.  En effet, le flux sanguin cortical régional se modifie au cours de la séance. Les régions activées semblent être le cortex cingulaire antérieur et le cortex temporal antérieur. L’étude de Rainville de 1997 précise par ailleurs que ces deux régions permettent de moduler la qualité et la quantité de douleur ressentie, modulation en qualité pour le cortex cingulaire antérieur et en quantité pour le cortex somatosensoriel primaire.

L’étude de Faymonville de 2003 montre quant à elle une amélioration des connections entre les différentes zones cérébrales activées, par le biais d’une exacerbation de l’activité du cortex cingulaire antérieur.

Ces recherches sont à prolonger et à affiner, mais elles pourraient mettre un terme à bien des querelles d'école.