Un peu d'histoire…
Quelle que soit la définition retenue, l’humanité utilise depuis toujours ces états « d’attention particulière » pour favoriser ou accélérer la guérison des malades. Ces états sont parfois même le seul et unique traitement administré au malade. On peut sans doute dire que l’hypnose est aussi vieille que l’homme. Parfois, la récitation d'un mythe suffit à guérir le patient alors que la connaissance de la réalité de sa maladie ne lui serait d'aucun secours. C'est ce que C. Levi-Strauss appelle "l'efficacité symbolique".
A l’époque de Ramsès II, il y a 3000 ans, les médecins égyptiens décrivent le pouvoir de la parole utilisée pour guérir. Il existe par ailleurs des écrits égyptiens de l’époque pharaonique décrivant les incantations à utiliser pour traiter certaines affections aériennes supérieures.
En Grèce, Platon décrit le « Terpnos logos » : une voix calmante et douce agissant là où le corps et l’esprit s’unissent pour produire un état de bien-être, d’harmonie entre le corps et l’esprit.
Depuis des siècles au Niger et à Haïti on soigne grâce à la transe.
En inde, les moines bouddhistes ainsi que les yogis utilisent l’immobilité et la répétition de mots et de sons pour atteindre un état mental particulier. Cet état leur permet d’agir sur leur état psychique autant que sur leur forme physique dans une optique d’amélioration de leurs capacités générales.
Mais c’est en Europe, au XVI° siècle, que s’individualise la notion d’hypnose, lorsque Paracelse élabore la notion de « magné », sorte de fluide d’origine astrale, circulant d’une personne à l’autre lors de certains processus de guérison. Sa théorie du magnétisme est reprise au XVIII° siècle par un médecin viennois, Franz Anton Mesmer (1736-1815), qui développe la notion de « magnétisme animal », suivi de prés par le Marquis Armand-Marie-Jacques de Chastenet de Puységur (1751-1825), et ses crises de « somnambulisme magnétique ».
A la même époque, l’abbé Faria (1755-1819) réfute la théorie mesmérienne. Pour lui, le « fluide magnétique » n’existe pas et les « passes magnétiques » ne sont pas indispensables pour induire la transe. Elles peuvent en effet être remplacées par un simple point de fixation visuel, objet brillant ou mouvement répétitif. A travers ses travaux, il s’applique à mettre en évidence l’importance de l’imagination dans les phénomènes de somnambulisme provoqué, insistant notamment sur l’importance de la suggestion directe dans les mécanismes de la transe hypnotique.
Au XIX° siècle, les travaux de James Braid (1795 ?, 1860), chirurgien anglais, reprennent et améliorent ceux de l’Abbé Faria. Pour rompre complètement avec la théorie fluidique, il propose même de remplacer le terme « magnétisme » par le terme « hypnotisme », forgé à partir du grec hypnos, « sommeil ». Il abandonne ainsi totalement la notion de magnétisme animal et consacre ses études aux phénomènes d’auto hypnose.
Ses travaux inspirent Ambroise-Auguste Liébault (1823-1905), médecin de campagne français qui se concentre sur la suggestion et l’analgésie hypnotique. Il démontre notamment que l’induction d’une transe peut-être purement verbale.
Les travaux de Liébault sur la suggestion inspirent à leur tour Bernheim (1840-1919), médecin généraliste strasbourgeois, qui s’efforce de dépouiller l’hypnose de tous ses artifices. Il aboutit à la conclusion que l’hypnose est en fait un « phénomène psychologique normal ». Il devient le chef de file de l’école de Nancy, basée sur cette théorie de la suggestion.
Le Professeur Charcot (1825-1893), chargé d’anatomie pathologique à l ‘Hôpital de la Salpetrière à Paris, est quant à lui un fervent défenseur de la thèse physiologique. Il s’intéresse principalement à l’hystérie qu’il étudie sur un plan physiologique. Pour lui le sommeil hypnotique est une névrose pathologique, développée par des personnalités hystériques. Il s’oppose à l’école de Nancy et crée l’école de la Salpetrière. Ses théories, bien qu’erronées, ont le mérite de participer au rayonnement de l’hypnose sur un plan international. Pierre Janet (1859-1947), philosophe et médecin français, contribue plus tard à faire évoluer cette vision.
Sigmund Freud (1856-1939) est élève de Charcot et de Bernheim, il met au point, entre autres choses, une méthode cathartique permettant de se remémorer les souvenirs traumatiques refoulés afin de s’en libérer. Il abandonne ensuite l’hypnose au profit des associations libre et de la théorie du transfert, créant la psychanalyse.
Tout au long du XX° siècle, elle continue à interpeller les scientifiques, psychiatres et médecins.
Même si, au début du siècle, l’hypnose reste peu utilisée en pratique médicale courante, les recherches se poursuivent. En Russie c’est Pavlov, père de la théorie sur les réflexes conditionnés, qui en assure la pérennité. A vienne en 1922 c’est Kogerer, psychiatre qui utilise la suggestion post-hypnotique pour induire des analgésies obstétricales.
L’hypnose est également étudiée en Europe, par Schultz, professeur de neuropsychiatrie, qui développe le Training Autogène, méthode d’auto hypnose particulièrement précise.
En France, c’est Léon Chertok, psychiatre psychanalyste, qui poursuit l’étude et le développement de l’hypnose. Il démontre que tout le monde est hypnotisable à des degrés divers. Il tente par ailleurs de concilier l’hypnose à la théorie freudienne de la psychanalyse. Pour lui, l’hypnose se situe justement au carrefour du psychisme et de l’organique. Elle est une sorte de lien psychosomatique. Il réunit et donne la parole à des chercheurs, sociologues et des philosophes cliniciens tel François Roustang, qui avance le concept d’ « éveil paradoxal », faisant miroir au sommeil paradoxal.
Aux Etat-unis d’Amérique, elle reprise et transformée par Milton Erickson (1901-1980). Psychiatre et psychologue, Milton Erickson est, de son temps, considéré comme le plus grand praticien de l’hypnose. Personnage au charisme hors du commun, il y apporte des innovations considérables, et reste un maître de la thérapie brève. En désaccord avec l’orientation résolument théorisante de la « Society of Experimental and Clinical Hypnosis » en vogue aux Etats-Unis à l’époque, il crée l’ « American Society of Clinical Hypnosis ». Cette société dont il est le premier président défend une conception naturaliste plus en accord avec sa propre pratique. La richesse et l’inventivité de ce clinicien hors pair participe à ce que son oeuvre inspire un courant thérapeutique qui, depuis les années soixante, s’est conquis une place de premier plan parmi les thérapies.
Portée à de tels sommets d’efficacité, l’hypnose ne tarde pas à revenir en France, et à la Médecine française en particulier. Elle est officiellement re-connue à la Pitié Salpetrière en 2001 par la création d’un Diplôme Universitaire d’Hypnose Médicale.
Aujourd’hui, l’hypnose est internationalement utilisée, que ce soit en analgésie, en stomatologie, en obstétrique ou en thérapie qu’elle soit dite brève ou longue, …
Elle est scientifiquement étudiée et observée, avec des moyens toujours plus pointus, tel l’IRM ou le pet scan, qui nous apportent quotidiennement de nouveaux éléments de compréhension sur ses mécanismes physiologiques.