Journal de jeûne

LE JEÛNE HYDRIQUE COURT : journal de jeûne.

Premier jeûne d'une femme, 38 ans, 1m62, 55kg, TA 10/6.

Au printemps 2006, mon corps me réclamait depuis plusieurs mois déjà une "pause" : les aliments me rebutaient, ou du moins je n'y prenais plus de plaisir, et ne leur trouvais plus de saveur. Mon moral était excellent, et ma situation générale, tant familiale que professionnelle, plutôt stable et agréable.

J'étais depuis quelques années déjà intriguée par le ressenti physique d'une telle expérience, ainsi que par ses répercussions psychiques. Pourquoi le jeûne est-il utilisé depuis des millénaires dans les rituels humains ? Pourquoi en faire tant de cas alors qu'il s'agit "simplement" de s'abstenir volontairement de manger… Ce fut donc pour moi l'occasion de me lancer et de le vivre par moi-même.

Après avoir réfléchi pendant plusieurs mois, et m'être abondamment documentée, j'ai commencé mon premier jeûne. C'était alors devenu pour moi un besoin autant physique que psychique, voire spirituel.

Ma première découverte fut la passion qui anime tout ce qui touche à l'alimentation. De ceux qui estiment que le jeûne est LA solution à tous les maux, à ceux qui pensent que le corps est comme une voiture et que sans essence, il n'avance pas … toutes les nuances existent. Moi même, je fus prise d'une sorte de fièvre intellectuelle lorsque je commençais à réfléchir à la possibilité de ne pas manger pendant quelques jours. Je craignais de maigrir, ce qui n'était pas mon intention du tout. Je craignais aussi je ne sais quoi de monstrueux qui aurait pu m'arriver … bref d'étranges fantasmes se réveillaient.

Je pris d'abord conscience que je buvais quotidiennement du café, sans réel besoin nutritionnel. J'avais arrêté de fumer depuis plusieurs années déjà, mais le café restait une de mes petites dépendances, et ce malgré les migraines qu'il me déclenchait régulièrement. Mon premier mois de préparation fut donc consacré à cet arrêt. La conséquence en fut, trés logiquement, la disparition presque totale de mes migraines. Dans la foulée, je cessais toute consommation d'alcool, même occasionnelle, et diminuait le chocolat.


Sur un autre plan, je profitais de ce premier mois pour observer mon alimentation, mes motivations pour manger tel ou tel produit, et en quelle quantité. J'abordais cette expérience de façon purement clinique et expérimentale, donc à priori sans passions. Je fus malgré tout prise d'émotions particulièrement fortes dans cette simple phase observatoire. En effet, je fus petit à petit amenée à considérer mes aliments de façon différente : d'indispensables qu'ils avaient toujours été, ils devenaient facultatifs; d'imposés par ce que j'imaginais être mes besoins physiologiques, ils devenaient choix personnel. En y réfléchissant, il s'agissait simplement pour moi d'expérimenter avec mon corps ce que je savais déjà en esprit : tout, dans la vie, est avant tout une question d'interprétation personnelle.

A ce point, j'avais approfondi ma décision et organisé mon plan de bataille, car je voyais malgré tout encore le jeûne comme étant une bataille contre moi-même et contre la nature. J'avais posé ma semaine de congé et prévu de confier mes enfants à ma mère, du moins pour les joursde jeûne proprement dits. Je voulais en effet pouvoir me concentrer sur mon ressenti, mon vécu et mes pensées, et leur présence m'en aurait empêchée. Par ailleurs, j'espérais ainsi me faciliter la tâche en limitant les tentations.

Un samedi matin, je commençais donc ma phase de transition douce en supprimant pendant le week-end les sucres, et les féculents, puis en enlevant le lundi les viandes et les graisses. Mardi, mon alimentation se composait uniquement de légumes et de fruits crus ou cuits.

La partie la plus difficile de cette période fut certainement de me passer de pain. Je suis en effet une "panivore" et le pain (maison) est une des bases de mon alimentation. Ce n'est pas que j'en mange beaucoup, mais ces deux tranches contribuent pour beaucoup à mon plaisir alimentaire quotidien. A ce stade, je gérais cependant sans problèmes ni envies particulières les goûters de mes enfants, j'écourtais simplement le temps passé à la cuisine, et leur proposais des fruits … en place des traditionnelles tartines maison.

Je finis cette période de transition mercredi, par une journée entière de jus de légumes et de fruits de culture biologique centrifugés et consommés dans l'instant (carottes, pommes, betterave crue, concombre, oignon, … ) A mon grand étonnement, ce jour là, je n'eu absolument aucune envie parasite, alors que les jours précedents, pourtant plus riches en possibilités, avaient été la source d'envies simples mais variées qu'il m'avait fallu combattre par une tisane ou un verre d'eau. Aprés le coucher des enfants, réaliser le lavement intestinal fut une étape plutôt amusante, du moins avec un peu de recul.


A l'aube du jeudi matin, commença donc mon premier jour de jeûne, aboutissement d'un mois de préparation, et de cinq jours de transition, mais sans terme précis. J'avais simplement décidé de jeûner tant que ce serait "amusant". Le petit déjeuner passa sans y préter attention, avec une tisane de verveine légèrement infusée. J'assurais le repas de midi des enfants sans trop d'envies, évitant simplement les odeurs de cuisine. Le menu ce jour-là fut donc salade de tomates, purée en poudre, jambon blanc et pomme, ce qui m'assurait 1/ peu d'odeurs 2/ un repas avalé rapidement. A seize heures, je me calais l'estomac à l'eau hydroxidase, riche en sels minéraux, et confiais les enfants à ma mère, en prévision des jours à venir.

La soirée se déroula sans évenement notable, hormis des nausées provoquées par mon infusion du soir, pourtant légère. La nuit fut calme et sereine, bien qu'un peu frileuse sur le petit matin. Mon lever du vendredi matin fut un peu lent, avec une tension à 9,5/5,5, donc presque normale. Je pris une douche froide des jambes et des avant-bras pour me réveiller et avalait ensuite une gorgée d'infusion qui, comme la veille, me déclencha des nausées. J'abandonnais donc la tisane, même légère, et me contentais d'un verre d'eau de Volvic. Je sortis ensuite au soleil pour faire quelques mouvements respiratoires et un assouplissement doux, puis je rentrais faire mon ménage. En cours de matinée, je me reposais pour calmer une sensation de faiblesse qui m'étais venue. Le reste de la journée se déroula sans paricularités, l'eau hydroxidase du goûter étant bien tolérée par mon estomac.

Le soir venu, me sentant paradoxalement lourde et pataude, je pratiquais un deuxième lavement dont je sortis infiniment légère et calme, tranquille, bref, sereine. J'allais me coucher dans cet état d'esprit et passait ce qui reste à ce jour la meilleure nuit de ma vie : un sommeil, comme a mon habitude, sans rêves, mais calme et réparateur.


Le samedi matin, je me réveillais en petite forme, avec 8,5/5 de tension et un pouls régulier. Je pratiquais ma douche froide pour me réveiller, mes respirations et assouplissements et commençais ma journée. Ma petite tension me faisait un peu soucis, mais je me sentais physiquement bien, je décidais donc d'aller me renseigner sur divers forums pour trouver de nouveaux trucs pour me rassurer. En tant que médecin, je sais parfaitement que 8 de tension systolique est un seuil à prendre en compte, mais je sais aussi que la médecine n'est pas l'homme, et que bien des choses "impossibles" se déroulent chaque jours dans les hôpitaux. J'avais prévu de surfer sur internet et d'écrire ce jour là, mais en milieu de matinée je fus soudain prise d'un immense désespoir. Une remise en question générale sur le sens de ma vie, l'utilité et le bien-fondé de mon existence … bref un gros coup de blues, comme je n'avais encore jamais eu. Je sortis donc dehors pour respirer et bouger un peu, me disant que cela venait peut-être simplement du fait que j'avais lu et écrit au lieu d'avoir une activité physique. Mais mon désespoir persista. Vers le milieu de l'aprés-midi, ne voyant plus les raisons de ce que je qualifiais désormais de "cirque imbécile", je décidais de rompre mon jeûne.

A 17h, j'absorbais un quartier de pomme, que je machais longuement et que mon estomac accepta sans sourciller. Une demi-heure plus tard je machais quatre perles d'orange, qui furent également acceptées. A 18 h, mon moral remonta d'un coup. Le ridicule de ma crise du matin m'apparut dans sa totalité, ainsi que son innocuité, mais il était trop tard : j'avais rompu mon jeûne. Le soir, je me préparais donc une soupe légère à base poireaux et de courgettes. Le dimanche je repris mon alimentation par des légumes fibreux. Le lundi je prenais un peu de poisson, et le mardi je retrouvais avec plaisir mon pain maison.


Je finis à 53kg500, autant pour ma peur de maigrir ! Pour ce qui est du "truc monstrueux" … mon inconscient pressentait-il ma panique du 3° jour ? ou n'étais-ce qu'une coïncidence ? Nul ne le saura jamais ! Je réfléchis encore souvent à ce brusque virement d'humeur (auquel mes amis psychiatres trouveront, j'en suis sûre, une étiquette) mais je n'ai pas encore trouvé les bases inconscientes sous-jacentes à cette "descente aux enfers" … pas plus que celles de mon "Nirvana" de la soirée du deuxième jour, ni les raisons pour lesquelles un quart de pomme et d'orange suffirent à faire revenir le ciel bleu …

Sur un plan plus matériel, cette expérience m'a permis d'éliminer définitivement le café de mon alimentation, ce qui m'évite bien des migraines … du moins tant que je résiste au chocolat, autre grand pourvoyeur de migraines.

Elle m'a également amenée à penser mon alimentation de façon différente, et à la modifier en conséquence : encore moins d'alcool, beaucoup moins de viande, mais surtout beaucoup plus de fruits et de légumes "vivants", 'est à dire crus, ou à peine cuits.